L’ Aragon, octobre 2022

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                                         Très ponctuels, nous étions tous à 7 heures précises au rendez-vous ce 10 octobre. Près de l’autocar, notre chauffeur, Jérôme nous attendait.

Départ vers le Nord-Est de la péninsule ibérique. Destination, la vallée de Hecho, nichée dans les Pyrénées aragonaises en bordure du fleuve Aragon Subordàn

Avec son calme et son sourire habituels, Jérôme nous conduit à Hecho, berceau du Royaume d’Aragon et de ses meilleurs chasseurs, « les Monteros. »

Sur la colline verdoyante dominant le village, s’étale en lisière d’un bois le musée d’art contemporain en plein air. Pouvait-on rêver plus original pour notre pique-nique que ce lieu créé à l’initiative du sculpteur Pedro Tramullas. Sculptures de pierres diverses, de formes variées se côtoient dans un surprenante harmonie.

                               Nous visitons Hecho guidés par la très volubile Gema. Nous connaîtrons toutes les traditions locales, de la vie secrète des chats noirs et des sorcières…à celle des courageux résistants… de l’utilisation de la symbolique carline à celle du prestigieux fragon… Anecdotes livrées dans un flot de termes…évidemment en espagnol ….évidemment à un rythme soutenu…Heureusement notre éminent interprète, Christian, traduisait posément…

La petite localité pittoresque au riche patrimoine architectural populaire préserve jalousement son identité, son dialecte local gardé au fil des ans, »le Hecho ». D’étroites rues pavées se glissent entre les maisons en grosses pierres sombres aux toits de tuiles couronnées de cheminées coiffées de pierres, « les espantabrugas », protections très dissuasives contre l’intrusion des sorcières…

Nous passons devant l’église paroissiale de San Martin construite entre 1829 et 1833, bel exemple du roman aragonais et arrivons au musée ethnologique « Casa Mazo  » présentant des objets et des vêtements traditionnels utilisés jusqu’à la moitié du XX°.

Seuls quelques kilomètres nous séparent de Siresa où nous serons hébergés pendant notre séjour, lieu idéal pour rayonner dans ce territoire accueillant aux multiples richesses. L’hôtel « El castillo d’Acher » nous offrira calme et confort …et surtout des mets goûteux concoctés par un cuisinier facétieux aux tenues de cuisine très colorées : point de toque traditionnelle ni de veste blanche règlementaire….  Hassan a opté pour un style moins classique… ce qui n’enlève rien ni à son charme… ni à sa fibre commerciale.

En ce mardi matin, l’horizon se colorait à peine… une agréable journée s’annonçait… Nos guides Patxi et Andrès nous attendaient au pied du bus… Non, non, pas celui de la société Teyssié, trop grand, trop haut, trop large, pour emprunter l’étroite route escarpée menant au parc national…Nous avions dû faire appel à une compagnie locale : le car Escartìn et son chauffeur étaient donc là… « Faites vos jeux, rien ne va plus »…Ni, le chauffeur, trop bougon, ( le Nôtre, est charmant) ni surtout, le car et son pneu crevé…(le Nôtre était « chaussé » de neuf)… Gardons notre bonne humeur…Ce n’est qu’un incident mineur…

En attendant l’arrivée d’un autre car, prenons le loisir d’admirer sur la corniche à l’entrée du village, l’église abbatiale du XII°, seul vestige de l’ancien monastère de San Pedro, où Alfonso I, « El Batallador », ce roi si actif pendant la » Reconquista » passa une partie de son enfance auprès des moines. Fondé par le Comte d’Aragon Galindo Garcés, l’abbaye était le lieu incontournable des pèlerins venus de France par l’antique voie romaine reliant Lescar à Saragosse.

Voilà venu le moment tant attendu de « s’entasser »dans le véhicule de remplacement au volant effiloché….et aux suspensions si souples que le moindre nid de poule nous faisait tressauter… Peu importe…Le soleil s’était paresseusement levé et de vertes prairies, paradis des troupeaux et de leurs bergers, s’étendaient devant nous.

Nos guides proposent deux itinéraires… Lequel choisir ? Le sourire énigmatique de Patxi cachait-il une difficulté quelconque? Le visage rieur d’Andrès nous incitait-t-il à le suivre ?…. Chacun sa route, chacun son chemin, chacun son rêve… Certains choisissent la piste. D’autres, sous le regard vigilant d’un haut sommet, « le Chipeta », s’engagent sur une sente  caillouteuse, entre versants tapissés de genévriers nains et de fougères déjà parées de leurs couleurs cuivrées. Nous avançons dans le silence parfois rehaussé par le tintement clair d’une sonnaille ou le sifflement strident d’une marmotte effrayée.

                                                          Dans le calme des hautes terres où l’on cheminait maintenant, grisés par le moutonnement infini du plateau et la beauté des paysages, aurions-nous oublié l’heure du repas? Dans ce lieu magique émaillé de colchiques, on aurait presque imaginé un service encadré par un majordome, droit dans sa livrée rigide, veillant au bon déroulement du repas…Pour nous, point d’apparat, mais malgré tout, l’application de notre talentueux sommelier, Christian, sobrement vêtu d’une chemise et d’un pantalon gris, chaussé de brodequins, coiffé d’une casquette, attentif au maintien des grandes traditions, proposant un délicieux cahors….La simplicité effacerait-elle le confort ? Sous la surveillance del Pico de Acué, n’est-ce pas un luxe de savourer sardines à l’huile et croûtons de pain « confortablement » installés  sur un coussin d’herbe détrempée ou sur un rocher aux aspérités redoutables ?

Nous prenons de l’altitude… »De raidillons en faux-plats »nous arriverons disait Jean-Paul pour nous encourager…Mais que la dernière grimpette fût dure  pour arriver à 1600 mètres sur cette immense prairie d’altitude, « Aguas Tuertas », un havre de paix au coeur des Pyrénées où le Rio Aragon Subordàn déploie ses méandres au milieu de grasses pelouses et de paysages sauvages et singuliers entourés de montagnes. Dévalant de la Sierra de Bernera où elle est née, la rivière semble ici paresser, savourer le calme du plateau avant d’entreprendre sa course vertigineuse vers la vallée.. La curiosité nous pousse à nous rapprocher  d’un dolmen. Minuscule au milieu de cette étendue, il est l’un de ces monuments mégalithiques très nombreux dans le Nord de l’Aragon.

Une légère pluie nous arrache à la contemplation de ce paysage… et nous prenons le chemin du retour… Petite halte au pied du » Château d’Acher », massif rocheux culminant à 2364 mètres entouré de murailles escarpées ressemblant à une forteresse.

A la fin de cette journée, le calme de l’hôtel fût très apprécié … Et après une nuit réparatrice et un copieux petit déjeuner,  nous voilà requinqués pour affronter la deuxième journée. L’aube naissait à peine ; glissant à l’horizon, la brume s’effilochait en légères écharpes diaphanes accrochées à la pointe des arbres et on devinait là-bas l’arrivée du soleil. Le départ vers la « Boca del Infierno » était imminent.

La « Boca del Infierno »! Au seul nom de la randonnée, une agitation mêlée d’impatience et de curiosité flottait dans le car.

Sous la houlette de Patxi et Andrès nous empruntons la » Senta Romana ». Le chemin pavé se hisse entre buis et hêtres dans le silence pur du monde des grands arbres, royaume de beauté où la vie fragile et forte à la fois se cache dans les plus petits recoins. Quelques efforts, …souvenirs douloureux le lendemain matin pour certains mollets,… et c’est l’arrivée à l’ancien « poste de contrôle »: surveillance  douanière ? point de ralliement pour les contrebandiers ?  Pour nous, ce sera l’étape grignotage…

Soudain un son curieux perce le silence. Serait-ce le glatissement d’un aigle qui retentit ?  Ce n’est que l’alerte plaintive d’un randonneur malchanceux  victime d’une glissade sur les dalles glissantes…Heureusement des chutes sans gravité… nous poursuivons notre route jusqu’à la rivière…où Dame Nature avait déjà disposé tables et chaises en galets pour notre pique-nique. Une petite pause n’était pas superflue ….mais nos guides sonnent le ralliement…

Un chemin semble hésiter entre les bois et les prés…Certains d’entre nous aussi… Pendant que les courageux affronteront les difficultés de  » la voie Patxi »,  d’autres préfèreront  « l’itinéraire Andrès » pour découvrir la forêt d’Oza où hêtres et sapins rivalisaient de beauté. Les arbres avaient déjà senti les frissons de l’automne et délivraient leurs plus belles couleurs chatoyantes avant de s’éteindre. Bercés par la romance des eaux, nous longeons l’Aragon Subordàn : il se prélasse sur ses galets rougeâtres escorté par cette forêt que le soleil caresse avec délicatesse, puis s’engouffre dans l’intimité d’un défilé et déferle en chute tonitruante à « la Boca del infierno », spectaculaire ravin qu’il a creusé dans le rocher.

Inlassables, nous partons visiter Anso, séduisant village aux ruelles étroites. Son église de style gothique,construite au XVI°, abrite un somptueux retable baroque de la fin su XVII°.

Après un aussi long périple, il n’est pas interdit de penser que les randonneurs auront besoin de réconfort et de les imaginer sagement assis…et recueillis… devant une longue table de communauté un verre de sangria à la main…Le séjour n’est pas encore terminé, une nécessité s’impose, retrouver suffisamment d’énergie pour visiter demain le monastère de San Juan et arpenter les rues de Jaca.  Et c’est de notoriété planétaire, il n’y a pas meilleur reconstituant que l’apéritif aragonais. (sauf peut-être le floc…) Allez auscitains, courage, à vos breuvages!

Voici le dernier jour arrivé. Déjà!

       A l’heure où nous partons, la brume est encore collée au fond de la vallée… La forêt embrase le paysage de rouge et d’or et ouvre de larges fenêtres sur un splendide panorama de la chaîne pyrénéenne.  Séduits par cette vue époustouflante, nous oublions un peu la longueur de la montée dans la Sierra de la Peña.  Interminable montée avant de découvrir le monastère construit au début du X° par Galindo II Aznàrez, comte d’Aragon. A 1200 mètres, accroché à la falaise,  le monastère rupestre de San Juan de la Peña  apparaît enfin, minuscule sous le surplomb d’un rocher. Symbole du maintien de la foi chrétienne dans les Pyrénées au temps de l’occupation musulmane, et point de passage incontournable  sur « el camino aragones » de Saint-Jacques de Compostelle, il était anciennement occupé par des ermites…

Suivons le guide. A l’étage inférieur, l’église basse construite au début du X° est l’une des rares constructions mozarabes subsistant dans la région. Une originalité : ses deux nefs accolées séparées par deux arcs ont permis la coexistence pendant au moins un siècle  des deux communautés, masculine et féminine. En 1024, la communauté féminine rejoindra le monastère féminin fondé par le roi Sanche III Garcés .

Le panthéon des souverains aragonais et navarrais jusqu’au XII° se trouve à l’étage supérieur. Sculptures de marbre, moulages en stuc et plaques de bronze proviennent des travaux de restauration menés au XVIII°, sous l’impulsion du roi d’Espagne  Charles III.  Le  panthéon des nobles aragonais surprend par la finesse des sculptures : alignées, le long d’un mur, dans un décor de billettes et de perles, les niches funéraires sont frappées d’un écusson, d’un chrisme ou de la croix aux quatre rosaces, emblème d’Iñigo Arista, un des fondateurs du royaume de Navarre.

Par une porte mozarabe nous sortons de l’église de la fin du XI° ornée de ses trois chapelles absidiales décorées d’arcatures sculptées dans la parois et accédons au cloître, merveilleux exemple d’art roman, construit entre la fin du XI° et la fin du XII°. Deux galeries de chapiteaux historiés, sculptés pour la plupart par le maître Agüero représentent des scènes bibliques.

Difficile de s’arracher à la magie de ce trésor de l’époque médiévale empreint de mystère, mais Jaca aussi mérite que nous lui réservions du temps. Première, mais éphémère, capitale du Royaume d’Aragon au XII°, un des points de départ de la « Reconquista », la ville n’était au XI° qu’un camp militaire fortifié. Mais son emplacement stratégique au pied du col du Somport et sur le « camino aragones » vers Saint-Jacques de Compostelle assura son développement

Plusieurs monuments témoignent de la splendeur du passé de la ville, en particulier la cathédrale San Pedro. Classée au titre de bien d’intérêt culturel depuis 1931, la cathédrale romane du XI° est l’une des cathédrales les plus caractéristiques et les plus anciennes de l’architecture romane en Espagne. Elle abrite le musée diocésain.

                                                          Inauguré en 1970, il présente une des plus belles collections de peintures murales du monde. Témoin de la foi du peuple du diocèse de Jaca et foyer de la culture du Haut Aragon, ce musée d’art religieux  regroupe  des fresques romanes et gothiques recueillies dans les églises du diocèse, ainsi que des  chapiteaux romans et des sarcophages, vestiges d’architecture  médiévale du XI au XIV siècle.

Accompagnés d’un guide féru d’art médiéval, nous franchissons la porte de la chapelle de St Cruz , et  arrivons au cloître …. On remonte le temps… L’ancien réfectoire gothique rassemble une sélection de peintures murales datant d’une période entre les XI° et XVI°.  Une salle  particulière est réservée aux « Bagüés » : ces peintures datées vers 1080-1096 réalisées par des artistes proches de la peinture et miniature française constituent un des plus vastes ensemble de peinture romane européenne. Fascinante présentation dans un cadre reproduisant la chapelle originelle . Passionnante visite étayée par l’enthousiasme communicatif du guide.

Les contraintes horaires ne nous permettront pas de visiter la citadelle connue jusqu’au XIX° sous le nom du » château San Pedro ». Cet exemple d’architecture militaire du XVI° est la seule forteresse espagnole en étoile encore intacte. Après l’invasion dans la vallée de Tena des troupes provenant du sud de la France, Philippe II confia la conception de ce projet au prestigieux architecte militaire italien Tiburzio Spannochi. Commencée en 1592, la construction ne sera achevée qu’au XVIII°.

Terminer notre séjour en Aragon, cette communauté autonome espagnole si séduisante, aux paysages enchanteurs et au riche patrimoine architectural, ne pouvait se faire sans honorer sa gastronomie… Le restaurant « Mesòn Serrablo  comblera nos attentes…Son excellente « ensalada, son « cocido » et sa variété de « postres » raviront nos papilles…Et malgré toutes ces gourmandises, après une halte à l’ancienne gare de Canfranc, un arrêt à Oloron à la chocolaterie Lindt s’avère être d’une nécessité absolue….Etait-ce bien raisonnable ?…

CH D

 

 

 

 

Galerie 1 AGUAS TUERTAS

Galerie 2 BOCA DE INFIERNO

Galerie 3 MONASTERE SAN JUAN DE LA  PENA ; JACA  MUSEO

LES RANDONNEURS :

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