Mercredi 8 octobre! Journée ensoleillée!
Presque unique en cette période troublée par les turbulences météorologiques!
Malgré quelques difficultés de circulation, incontournables sur le périphérique toulousain, Jérôme, notre fidèle chauffeur, nous conduit « à bon port »… non sans grommeler parfois contre les conducteurs inexpérimentés…Les conductrices semblent l’agacer également … peut-être même, un peu plus…
Et nous arrivons dans le cadre verdoyant du seuil de Naurouze. Guidés par Régis, nous partons sur les pas de Pierre Paul Riquet, le génial inventeur du Canal Royal du Languedoc. Ni ingénieur, ni hydraulicien, ce simple fermier des Gabelles, rêve de construire un canal réunissant la Méditerranée à l’Océan… Sans doute aussi ce descendant issu d’une famille noble déchue au cours du XVI y voit-il une façon de reconquérir ses titres de noblesse ?
D’autres projets avaient auparavant été étudiés, mais aucun n’avait abouti. Avec l’appui de Monseigneur d’Anglure de Bourlemont, archevêque de Toulouse, Pierre Riquet présente son projet au Ministre des Finances de Louis XIV, Colbert en lui demandant de transmettre sa requête au roi.
Aussi ambitieux que Riquet, Colbert perçoit dans la création de ces nouvelles voies de communication l’opportunité d’éviter le transit des marchandises par le détroit de Gibraltar et d’assurer le développement économique du Royaume. Nous sommes en 1662. Colbert sera un interlocuteur attentif :
« Vous étonnerez-vous Mon Seigneur, qu’un homme de Gabelle se mêle de nivelage »…. ainsi présente-t-il le projet au roi.
Interlocuteur attentif, et persuasif, Colbert convaincra sa Majesté dès 1663 et, en 1666 l’édit de Saint-Germain autorisant la création du canal sera signé. Nommé par le roi « entrepreneur de la construction du Canal Royal du Languedoc » et… anobli sous le titre de Baron de Bonrepos, Pierre Riquet coordonnera les travaux jusqu’au 1er octobre 1680, date de son décès. Il ne verra pas la fin des travaux de son bel ouvrage rebaptisé « Canal du Midi » après la Révolution. Depuis le 7 décembre 1996, il est classé par l’UNESCO au « patrimoine mondial de l’humanité « au titre des biens culturels et paysages culturels »…
Des travaux colossaux en partie financés par Riquet. Sur 240 kilomètres s’échelonnent 360 ouvrages d’art et 65 écluses chacune dotée d’un bief. Très attaché à fidéliser ses 12000 ouvriers et ouvrières Riquet leur offrira des conditions de travail particulièrement à « l’avant garde » pour son époque : lettre d’embauche, jours d’intempéries payés… En chef de chantier vigilant, il se déplaçait selon l’avancement des travaux, surveillant le creusement, la création des berges et du chemin de hallage. La plantation des arbres n’interviendra qu’en 1694.
D’étape en étape, Régis détaille les phases de la construction du canal. Avec la collaboration de son ami fontainier, Pierre Campans, un remarquable expert du réseau hydraulique de la Montagne Noire, Riquet réalise le captage de quatre rivières vers le versant océanique, crée le réservoir de Saint-Ferréol et la rigole acheminant les eaux jusqu’au seuil de Naurouze, le point culminant à 189 mètres. Cette réserve d’eau ainsi que celle du bassin de Naurouze permettent d’adapter le débit de l’eau grâce à un système d’écluses et assurent le fonctionnement du canal pendant un an.
Nous avançons, … lentement sur les pas de Riquet… Notre infatigable et passionnant bavard s’attache au moindre détail:nous passons devant la station de pompage, station de régulation des eaux entre Naurouze et le barrage de la Ganguise. Un arrêt devant le régulateur du niveau du bassin, l’épanchoir de Naurouze, avant d’arriver au bassin, revêtu de pierres de taille, creusé et construit de 1669 à 1673. Autour de cet endroit magique alimenté par la Rigole, Riquet avait envisagé l’ implantation d’une ville… Quelques années plus tard, des problèmes récurrents d’envasement de ce vaste plan d’eau amèneront Vauban à en modifier la finalité. Il poursuivra des travaux d’aménagement sur le canal de 1686 à 1693… Arrêts incontournables, l’ouvrage d’alimentation et le bief du partage des eaux.
Regis précise que si Riquet n’a pas inventé l’écluse dont l’origine semble remonter au Xième siècle, il en a conçu la forme ovale offrant une meilleure résistance à la poussée des eaux … Nous apprenons tous les secrets de l’ouverture des ces impressionnants ouvrages, portes biseautées, ventelles…
Une longue et majestueuse allée de platanes, le Chemin des Légendes, conduit à l’obélisque érigée entre 1825 et 1827 en hommage à Pierre Riquet. Dommage, notre train de sénateur ne nous permettra pas de découvrir sur la stèle ni les armes et le médaillon de Riquet ni la nymphe symbolisant la Montagne Noire. Mais il est déjà l’heure de retrouver les amateurs d’art partis visiter la poterie « Not ». Certains ravis d’avoir découvert les techniques d’émaillage, d’autres, plus matérialistes, aux papilles éveillées, seront très intéressés par la fabrication de la « cassole », le traditionnel plat à cassoulet…D’ailleurs n’est-il pas temps de rejoindre la péniche où nous sommes attendus pour le déjeuner?
Direction Port Lauragais, point d’amarrage de la péniche, le Surcouf. Utilisée jusqu’au milieu des années 80 pour le transport des céréales, elle a été transformée en 1987 en bateau à passagers. Le commandant et son équipage nous invitent chaleureusement à monter à bord et à rejoindre la cale aménagée en salle à manger accueillante. Nous en apprécions le confort et la qualité des plats qui nous y seront servis. Une atmosphère détendue ponctuée d’éclats de rire s’installe rapidement! Serait-ce dû au Corbières rouge AOP ? Nullement! Nous ne l’avons goûté que très modérément! Seule la convivialité et la joie de partager des moments privilégiés dans ce lieu atypique animaient notre joyeux groupe parti pour l’aventure …
Le vrombissement d’un moteur interrompt les bavardages…La péniche prendrait-elle le large ? Tous sur le pont…à babord …ou à tribord! La navigation commence. Lente. Reposante. Une navigation que nous aurions aimé « au long cours » tant elle était agréable. Sur un fond musical judicieusement choisi, le Capitaine retrace l’histoire de la batellerie sur le canal : initialement affecté au transport des marchandises, il n’est plus utilisé depuis 1980 que pour la navigation de plaisance.
Lentement la péniche glisse enserrée par les berges où déjà les arbres se colorent délicatement des teintes d’un automne naissant. Peupliers, aulnes, platanes! Une voûte arborée! L’eau est son miroir… peu à peu, flouté par le sillage de l’embarcation son reflet s’estompe jusqu’à s’évanouir dans l’écume blanchâtre. Des chênes chevelus récemment plantés remplacent les platanes décimés par les attaques d’un champignon ravageur, le chancre coloré.
Ecluse d’Emborrel, écluse d’Encassan… D’écluse en écluse, la même magie! Le tumulte assourdissant de l’eau s’engouffrant impétueusement dans les vannes, la lente descente du bateau, les manoeuvres précises du batelier… Nous voici déjà arrivés à l’écluse de Renneville où l’équipage négocie habilement un accostage tout en douceur. Pas le moindre tangage.
Notre balade au fil de l’eau s’arrête ici… Aucun incident à bord! A croire que tous les passagers avaient le « pied marin », plus exactement « fluvial »….
Seuil de Naurouze :
Sur le Canal en péniche Surcouf:
Ils étaient à cette superbe journée :
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