Séjour -raquettes à Cauterets
Que ce n’en fut pas un, les versants cauterésiens n’ayant pas revêtu leur somptueux manteau blanc indispensable aux sports de glisse.
Fi donc ! Que diable, nous randonnerons très agréablement sans ces accessoires superflus sur des itinéraires connus de nos accompagnateurs.
Convivial, chaleureux, dynamique, Hadrien encadre la première journée. Le ton est donné. L’allure aussi ; d’un pas décidé nous le suivons sur un chemin tracé entre la haute futaie de pins et le torrent jusqu’au Pont d’Espagne, jeté sur les eaux bondissantes à la jonction du Gave de Gaube et de celui du Marcadau. Extraordinaire point de vue sur cette mythique cascade bouillonnante qui saute librement, se marie à l’air, fuit la roche, cisaille son passage et se glisse dans un profond goulet noir.
Au détour du sentier, une halte au monument Meillon s’imposait . Enfant de Cauterets, topographe et cartographe reconnu, ce pyrénéiste a accompli un travail d’une ampleur considérable pour la connaissance et la mise en valeur de la chaîne pyrénéenne.
En passant par le plateau du Clot, nous cheminons dans la vallée du Marcadau jusqu’au plateau du Cayan farouchement gardé par le massif du Vignemale aux pointes et mamelons d’une extrême légèreté. Certes notre progression n’est pas des plus rapides dans ces rochers où s’alternent arbres tortueux parés de leurs chatons déjà sortis de la torpeur de l’hiver et pins vaniteux au port rectiligne.
Mais non, cette douce allure n’est pas rythmée par notre âge (enfin presque pas….) mais par les interventions de l’intarissable Hadrien, passionné par la faune des lieux. Attentif au moindre mouvement dans ces falaises où la forêt défie la raideur des pentes et s’agrippe courageusement, son oeil aguerri descellera la présence d’une harde d’isards se délectant de l’herbe brûlée par les premières neiges. L’équipement sophistiqué de notre guide nous permettra d’observer à loisir ces virtuoses du rocher et, dans une vire rocheuse, leurs proches voisins , les bouquetins récemment réintroduits dans les Pyrénées.
Même si la dégustation d’une tourte à la myrtille proposée par notre accompagnateur a redynamisé les troupes, il est temps de redescendre et de rejoindre Cauterets, bien connue pour ses thermes. Depuis le XVI siècle, après le séjour de la Marguerite des Marguerites, soeur de François 1er, la ville n’a plus cessé d’avoir de célèbres visiteurs.Elle a abrité les égarements sentimentaux de Chateaubriand, caché les remuantes amours de Georges Sand, a entendu le rire de Rabelais… Rabelais? François Rabelais? L’humaniste de la Renaissance? Sa notoriété éclipserait-elle la venue du non moins célèbre « Bataillon Rabelais 32 », ces gersois venus à l’assaut des monts pyrénéens ?
Evidemment, contrairement à nos prédécesseurs, aucun ouvrage littéraire n’a marqué notre passage. Seule l’impressionnante commande de tourtes « Chez Gillou », pâtisserie traditionnelle et régionale aurait pu frapper les esprits….
Une nuit réparatrice au coquet hôtel des Edelweiss, et nous voilà prêts à affronter le dénivelé de la vallée du Lutour, sous la houlette de Julien, jeune guide dynamique et passionné, enthousiasmé à l’idée de nous faire partager les secrets de ces lieux, de sa faune et de sa flore. La journée a été émaillée de véritables leçons de sciences naturelles. Du lichen barbu, véritable indicateur de pollution, à l’héllébore, puissant anesthésiant utilisé par les bergers contre le mal aux dents, à l’oxalis au goût aigre en passant par la daphné et la piloselle censée remplacer un anti inflammatoire…
Si hier nous avions admiré avec Hadrien écureuils et sittelles, aujourd’hui Julien nous révèle les ruses du Pic Noir, cet oiseau tambourinant sur les troncs d’arbres à la recherche d’insectes, l’habileté de la grenouille agile supportant une léthargie hivernale…., sans oublier les facéties de l’audacieux cingle plongeur et l’intérêt du splendide bousier au rôle écologique surprenant.
Reprenons notre randonnée au départ de la Raillère où l’ancienne station thermale accueille encore les curistes. Un émerveillement cette assourdissante cascade du Lutour déversant ses eaux dans un effrayant fracas. Sous un ciel menaçant, nous empruntons le « Chemin des Pères » conduisant à la Fruitière. Appelé à l’origine « Chemin des Moines »,parce que très pratiqué par les ecclésiastiques, c’était le seul accès pour aller de Cauterets à la Fruitière. Grande devait être leur gourmandise pour aller chercher leur fromage en ce lieu par un chemin pourtant fort escarpé…
Nous progressons au coeur du Parc National de Pyrénées dans la hêtraie-sapinière. Sur le sentier conduisant au lac d’Estom , une accueillante clairière nous offre sièges de granit et coussins d’herbe. Idéal pour notre pique-nique. Christian, fidèle à la tradition, ouvrira « la Dive Bouteille »…Comment l’oublier dans ce lieu emblématique où seul le cri tourmenté d’un oiseau dérangé troublait la quiétude ? Sous un ciel sombre, nous prenons le chemin du retour. Les écharpes de brume montent rapidement noyant les reliefs dans un triste moutonnement grisonnant.
Déjà le dernier jour! Sous les directives du pétillant Hadrien, direction le lac de Gaube. Ciel! C’est la journée des grands-mères, ménage-nous Petit !!! Insensible à notre demande, il nous annonce un « itinéraire inédit « en dehors des sentiers battus! Inutile de s’insurger, aujourd’hui, on marche à la baguette,…plus exactement aux bâtons, scrupuleusement plantés pour éviter toute glissade dans cet escarpement rocheux. Quel envoutement en arrivant à la cascade du Gave de Gaube. Une eau limpide dévalant de pierres lissées par l’érosion reflète les rayons d’un timide soleil. Nous rejoignons le GR dont l’aménagement nous semble bien trop raffiné après notre « crapahutage tout terrain ». Les hautes marches de granit facilitent l’ascension…. Trop simple! Hadrien décide de prendre un cheminement discret, seul connu de quelques privilégiés, et nous amène au laquet des Huats, lieu merveilleux et mystérieux. De vieux troncs déracinés et tourmentés revêtent des silhouettes à l’aspect inquiétant où l’on peut deviner de terribles créatures du diable… Le fin saupoudrage blanc laissé dans un doux murmure par le grésil du matin ajoute une note féérique dans ce paysage envoûtant …. Sous l’oeil attentif, ( inquiet ?…) de notre guide, nous entamons la périlleuse traversée de la tourbière sur un tronc glissant pour rejoindre l’itinéraire « grand tourisme ». Allez, courage, nous arrivons bientôt!
Une harde d’isards broute paisiblement sur le versant, peu soucieuse de notre passage.Dans un silence inhabituel…peut-être le dernier raidillon nous avait-il coupé souffle et parole…, nous les observons et arrivons au Lac de Gaube, au pied du Vignemale, seigneur des lieux… Fascinant! Un superbe panorama nous attendait
…Le vent aussi, troublant et accélérant la pose pique-nique. Plus prudent d’arrimer verres, fourchettes et papiers. Mais quel privilège de contempler la Pique Longue du Vignemale. Le ciel aux reflets d’acier avait perdu son air menaçant. Dissimulé derrière l’épaisse couche de nuages, le soleil s’obstinait à paraître caressant la surface glacée du lac, la réveillant, l’animant de scintillements argentés.
Dans les rafales de vent qui mugissait férocement entre rochers et arbres, à pas prudents, nous avançons sur le chemin du retour. Un dernier regard admiratif sur les formes de ces monts de granit que le glacier autrefois habilla…Le jappement d’un chien ombrageux nous rappelle à la civilisation… N’était-t-elle pas délicieuse cette immersion dans le parc des Pyrénées ? Sans raquettes!
Un grand merci à ceux et celles qui l’ont préparée avec, à n’en pas douter, persévérance et application.
CDD
maiauch32
Merci pour ce magnifique reportage ,on s’y croirait sans la fatigue et l’essoufflement ;merci et longue vie au groupe…