Après une centaine de kilomètres et…… de nombreux virages adroitement négociés par Christophe, notre chauffeur, nous arrivons à Latour-Marliac, la plus ancienne pépinière de nénuphars au monde créée en 1875 par Joseph Bory Latour-Marliac.
Rapidement déçu par la vie à Paris où il était parti suivre des études de droit, le lotois rejoint sa ville natale, Granges sur Lot. Il aide dans un premier temps son père, naturaliste et horticulteur, mais ressent rapidement le désir d’indépendance et acquiert une pépinière qu’il baptise « Latour-Marliac ». Il y plante la plus grande collection de bambous d’Europe et trouve une méthode permettant de croiser le seul nénuphar blanc rustique d’Europe à cette époque, le « Nymphaea blanc », avec des nénuphars tropicaux et subtropicaux. Il parvient à créer une collection de nénuphars hybrides.
En 1889, il décide d’exposer son oeuvre à l’exposition universelle de Paris : ses 19 variétés de nénuphars rustiques déclinées dans cinq gammes de couleurs remportent le premier prix et Bory Latour-Marliac devient le premier fournisseur de nénuphars rustiques colorés au monde. C’est à l’occasion de cet événement que « l’inventeur » rencontre Claude Monet. Emerveillé et sous le charme de ces plantes, le peintre achète Giverny, installe son jardin d’eau dont il limite jalousement l’accès aux seuls membres de sa famille et à quelques privilégiés. Un cadre de rêve que l’artiste exprime dans la célèbre séries de toiles » Les Nymphéas ».
Guidés par Fatiha, nous flânons au milieu des quatre vingt bassins de culture, bassins historiques datant de 1870 où les plantes aquatiques déploient leurs délicates pétales colorées… Le bassin Dior a été construit en 2023 en partenariat avec la marque Dior et son urbaniste Thierry Huau. La guide nous livrera tous les secrets de culture de cette collection de 300 variétés classées, les conditions idéales de culture, le rôle des plantes oxygenantes, souvent envahissantes, sans oublier celui des « auxiliaires » de culture, les escargots « nettoyeurs » et les minuscules poissons « croqueurs » de moustiques, les « Gambusies ».
Une série d’anciennes vasques en terre encadrant des bassins attirent notre regard. C’est l’ancienne nursery où Latour-Marliac multipliait méthodiquement les nénuphars : ces herbacées aquatiques peuvent vivre 150 ans à condition d’être transplantée tous les deux ou trois ans… Les lotus, à la floraison plus tardive, ne nous dévoileront pas leurs pétales graciles. Dommage ! Mais les nénuphars tropicaux d’Amérique latine récemment sortis de leurs serres exhibent leurs palettes de couleurs bleues, violettes, roses ou fuchsias. Une des plus belles et importantes collections d’Europe! Parfois une des nombreuses résidentes des lieux nous accompagne de son coassement…Curieuse ou importunée par les promeneurs cette grenouille ?
Sur notre parcours, d’une roche jaillit une cascade. Elle se jette dans un lac; d’énormes carpes y jouent à cache cache avec les visiteurs et les photographes excédés de ne pouvoir prendre le cliché du « saut de carpe »… Nous ne verrons que le dos grisâtre de ces monstres de l’Aze, (nom du petit ruisseau alimentant l’étang).
Tonnelles de glycine, réplique du petit pont de bois de Giverny, ornent ce site enchanteur où trône la statue de l’ancien maître des lieux, Latour-Marliac, le pinceau à la main. Il s’adonnera à peaufiner les techniques d’hybridation jusqu’en 1991 date à laquelle il vend le parc de trois hectares à un couple d’anglais. Ils le géreront jusqu’en 2007, date de rachat du domaine par l’actuel propriétaire, Monsieur Robert Sheldon
Les curieux visiteront le musée regroupant de nombreux documents, en particulier les commandes de Monet.
Passionnés de botanique, mais aussi gourmands, nous terminerons notre visite au restaurant de ce parc, classé « jardin remarquable » en 2004 et filerons vers le château de Bonaguil.
Aux portes du Lot et du Périgord, le château semble perdu au milieu des bois dans une région aux collines pentues aux sols rouges et rocailleux. Construit au XIII ième, il sera entièrement repris à la fin du XV ième et au début du XVI ième par Bérenger de Roquefeuil issu de l’aristocratie du Quercy et du Rouergue. Il lui ajoutera les perfectionnements défensifs du Moyen Age : la barbacane qui en protège l’entrée annonce les transformations qui vont être nécessaires pour résister à l’artillerie qui passe à la fin du XV ième des boulets de pierre aux boulets de fonte : canonnières, ponts levis, chicanes, casemates, tour » moineau »percée de meurtrières assureront la défense d’éventuels assaillants. La forteresse est à nouveau remaniée dans la seconde moitié du XVIII ième par Marguerite de Fumel, la fille de Bérenger de Roquefeuil : elle aménage une esplanade, réaménage les appartements seigneuriaux aux goûts du jour. Elle décède peu avant la Révolution Française. Si jusqu’alors le château n’avait jamais suivi d’attaque, il ne sera pas épargné pendant cette période de bouleversements politiques et sociaux: une loi de 1793 donne l’ordre d’abattre les constructions jusqu’au corps de logis et de décapiter les tours : huisseries et bois sont enlevés et la demeure est pillée et abandonnée…Racheté en 1860 par la commune de Fumel et classé « Monuments Historiques » en 1862, le château a bénéficié d’importants travaux de rénovation.
Franchissons l’entrée et découvrons la forteresse dont la forme et les dimensions ont été dictées par la structure du support rocheux. Bonaguil signifierait « la bonne aiguille ». La barbacane, un important ouvrage de fortification en demi-lune protège l’accès du château. La descente et… la remontée d’un grand nombre de marches, un très grand nombre…, nous permet de découvrir les différentes pièces. Le dépotoir où ont été retrouvés des témoignages de la vie quotidienne. En continuant, nous trouvons le colombier destiné tout autant à alimenter la table du seigneur qu’à produire un engrais très riche…Voilà la basse-cour et sa fontaine recevant par un conduit en pente creusé dans le mur et le rocher l’eau tirée du puits de la cour d’honneur. Passons le dernier pont levis subsistant, épargné par Marguerite de Fumel et arrivons au fournil avec son grand four constitué de mâchefer. A côté une porte ouvre sur un couloir étroit conduisant à une latrine. Vestiges et équipements prouvent bien que Bonaguil fut une demeure vivante.
Bérenger de Roquefeuil voulut assurer une protection totale du château et ne négligea aucun détail. La chambre de défense Nord-Est commande l’accès des fossés aux communs. Le plafond spiralé réalisé à l’aide d’un coffrage enlevé après séchage au mortier est particulièrement remarquable. La casemate, ce long couloir souterrain en arc de cercle surveille le front Sud-Est. La grotte, aménagée au pic à partir d’une cavité naturelle permet l’accès au « moineau », cet ouvrage d’artillerie surveille le fond du fossé grâce à ses cinq canonnières.
La « Tour Grosse », du haut de ses 40 mètres dominait jusqu’à la Révolution la terrasse réalisée par Marguerite de Fumel, dernière châtelaine de Bonaguil entre 1761 et 1788.
Encore un escalier, une chicane, et la tour carrée, infranchissable de l’extérieur; de l’intérieur la défense de sa porte était parfaite, placée en hauteur et commandée par un pont levis, son approche se faisait sous la surveillance de deux canonnières frontales et une dans le dos. Un gond inversé empêchait de la dégonder; un seuil élevé interdisait le pied de biche et une barre de bois bloquait l’intérieur…Un château imprenable! L’un des quatre niveaux de la tour abrite la chapelle seigneuriale dont on peut apercevoir la fenêtre trilobée.
La tour donne les accès entre fossés et logis seigneurial où l’on pénètre par une petite porte gothique. La salle de dimensions modestes s’orne d’une cheminée et de fenêtres à meneaux avec des volets intérieurs.
Dernière halte le puits, dominé par le donjon, symbole, par sa hauteur,de l’autorité seigneuriale. L’immense puits de 48 mètres de profondeur creusé au pic dans la roche est alimenté par les eaux d’infiltration et de ruissellement. Un petit « évier déversoir »permet d’envoyer l’eau vers la basse cour.
Guidés par un passionné des lieux, nous ne pouvions que regretter de quitter ces tours blondes et élancées qui grimpent à l’assaut du ciel et d’un invisible ennemi.
CH D
Le château de Bonaguil
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